L’utilisation des biais cognitifs en négociation commerciale : impacts et limites

Comment mieux négocier grâce aux biais cognitifs ?

Tribune Février 2021 
Par Samy Kerob

Pour bien démarrer une négociation commerciale, jetez l’ancre !

Qui n’a jamais eu à négocier un prix, un volume ou un délai de livraison ? Qui n’a jamais été choqué devant le prix exorbitant demandé par le propriétaire d’un appartement, prix bien au-dessus du marché ou au contraire l’offre ridiculement basse d’un potentiel acquéreur ? Quel vendeur n’a-t-il pas été déstabilisé par la contre-proposition située au-delà des 50% du prix proposé ?

Biais cognitif et ancrage comportemental, des points de références qui influencent nos décisions

réussir négociation commerciale biais cognitifs et ancrage comportemental technique de négociationCe genre de situation n’est pas rare. Quelle que soit la motivation des interlocuteurs, l’annonce d’une information à priori extravagante va influencer la suite de la discussion. En effet, elle s’imprimera dans l’esprit des négociateurs et demeurera un point de repère fondamental.

Dans son livre « Système 1 / Système 2, les deux systèmes de la pensée », Daniel Kahneman décrit des expériences montrant clairement l’impact des ancres sur le comportement. Par exemple, lorsqu’il demande si Gandhi avait plus de 114 ans à sa mort, les réponses donnent un âge beaucoup plus élevé que si on pose la même question avec un âge de référence à 35 ans.

Les biais cognitifs appliqués à la négociation commerciale : une vraie arme de négociation

biais cognitifs et negociation commerciale impacts et limitesDans le cadre d’une négociation commerciale, l’acheteur fait une contre-offre à 39€ par exemple, à une proposition de prix de 100€. L’effet d’ancrage va ainsi délimiter la zone de négociation entre 100 et 39 €. Mais déjà, le biais cognitif va imprimer dans l’esprit du vendeur le chiffre bas.

C’est aussi un moyen pour l’acheteur de prendre la main sur la négociation. D’une certaine façon, il fixe de nouvelles bases à la discussion.

La proposition basse de prix va déstabiliser le vendeur. Celui-ci est convaincu que son prix est justifié, et il est prêt à argumenter. Une telle annonce peut ébranler ses convictions. Mon produit est-il aussi qualitatif ? La concurrence est-elle vraiment à ce niveau ?

Une contre-offre extravagante va permettre de tester le sérieux du vendeur. Selon les activités, les marges peuvent varier fortement. Les acteurs professionnels d’un domaine connaissent les niveaux de prix et de marges nécessaires au bon fonctionnement d’une entreprise. Accepter une demande déraisonnable revient à sacrifier sa marge et surtout à montrer à l’acheteur qu’on comptait se « gaver » sur son dos.

Il y a plusieurs années, un responsable d’un grossiste en accessoires informatiques se trouva confronté à ce cas. L’acheteur d’une grande enseigne de la grande distribution lui demanda une remise de 30% sur son tarif. Le grossiste accepta et ne fut pas référencé. Pire, l’acheteur lui ferma définitivement la porte.

L’utilisation des biais cognitifs comme technique de négociation : limites, erreurs et stratégie de rupture

techniques de négociation : limites et erreurs a ne pas commettreComme toujours, l’utilisation d’une technique de négociation doit s’opérer en fonction du contexte et si l’on est sûr de l’effet qu’elle produit. Dans le cas d’un vendeur qui est pressé par le temps où la nécessité de réaliser ses objectifs de chiffre d’affaires, on peut annoncer un prix exagérément bas et imposer ce point de départ de négociation.

En revanche, l’effet peut discréditer l’acheteur qui au mieux passera pour un être brutal, au pire pour un incompétent ne connaissant pas son marché.

Pour contrer cette tactique, Daniel Kahneman conseille une stratégie de rupture afin de repartir sur de nouvelles bases. On comprend bien que dans un tel cas, la tension est élevée. Il faut tout au long des discussions la maîtriser pour éviter un échec de la négociation.

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